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Furtivité des liposomes

Au début des années 1970, le Professeur Couvreur et son équipe de chercheurs sont partis du constat que beaucoup de médicaments étaient incapables de diffuser à l’intérieur des cellules pour y exercer leur activité thérapeutique. Ainsi, la miniaturisation de la formulation des agents biologiques a pu permettre leur transport intracellulaire.

 

Le principe des liposomes de première génération consistait donc à encapsuler un médicament anti-cancéreux dans des nanocapsules biodégradables en colle chirurgicale, à base d’un monomère cyanoacrylique. Le problème principal des liposomes de première génération est qu'ils sont considérés par le système immunitaire comme étant des corps étrangers à l'organisme. Ainsi, des anticorps, en particulier des opsonines, vont s'adsorber, se placer à la surface des liposomes. Ces dernières sont reconnues sélectivement par les macrophages du foie, qui détruisent l'enveloppe des liposomes, libérant le principe actif contenu. 

 

En d'autres termes, les macrophages viennent interagir avec les nanovecteurs  qui se concentrent alors au niveau des tissus hépatiques et sont dégradés. Un avantage demeure pour l’utilisation de ces nanovecteurs de première génération, qui est leur efficacité  pour traiter les pathologies sévères du foie, telle que l’hépatocarcinome résistant.

 

 

Pour contourner ce ciblage au niveau du foie, des liposomes de seconde génération furent développés, les PEGylés. Ces nanovecteurs sont dits « furtifs ».  L’idée fut de « décorer » la surface des nanovecteurs par des chaînes de polymères hydrophiles et flexibles, du polyéthylène glycol, ou PEG, capables de repousser les opsonines. 

 

Grâce à la présence de PEG à la surface des liposomes, ce polymère va empêcher l’adsorption des opsonines, ce qui veut dire que le système  immunitaire ne  considère pas les liposomes comme des corps étrangers, le caractère exogène du liposome disparaît alors. C’est pourquoi les liposomes pégylés sont aussi appelés liposomes furtifs.
 

 

Le PEG : formule chimique :

C2nH4n+2On+1

 

 

 

 

 

 

 

 

En effet, l’ajout à la surface de polyéthylène glycol, qui a la propriété de rendre furtif le liposome, empêche ainsi l’opsonisation. Sa durée de vie dans le circuit sanguin en est augmentée par la même occasion, la phagocytose étant ainsi empêchée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’apport de la chimie fut essentiel, notamment dans le concept physico-chimique de « répulsion stérique ».

 

 

 

Qu’est ce que l’effet stérique ?

 

 

L'encombrement stérique est la gêne provoquée par la disposition et le volume d'une partie d'une molécule lors de l'approche d'un réactif ou d'une autre partie de la molécule. Les groupes d'atomes occupent un certain volume et lorsque deux groupes s'entrechoquent, ils se repoussent. La répulsion stérique se produit lorsqu'un groupe chargé d'une molécule est apparemment affaibli ou spatialement protégé par des atomes moins chargés (ou de charge opposée), y compris les ions en solution. La résistance stérique est souvent employée par les chimistes pour modifier le comportement d'une molécule dans une réaction chimique.

 

Dans le cas présent, ces PEG vont venir se fixer à la surface des liposomes (tout comme aux autres types de nanovecteurs utilisés). La « répulsion stérique », permettra de repousser les protéines plasmatiques responsables de l’opsonisation, ce qui entraînera alors une stabilisation stérique du liposome et en limitant l'adsorption de molécules de reconnaissance du système immunitaire (les opsonines). Le premier avantage est une augmentation considérable du  temps de séjour dans le système vasculaire de ces liposomes, et le second avantage est de  limiter les injections et même envisager des thérapies ciblées.

 

Mais si cette augmentation du temps de circulation permet de cibler d’autres tumeurs, les jonctions intercellulaires étant serrées, ils ne parviennent pas à pénétrer dans ce tissu et restent dans l’espace interstitiel, c'est-à-dire entre les cellules cancéreuses, mais n’y entrent pas.

 

 

 

C’est pourquoi une troisième génération de liposomes fut conçue afin de pouvoir traverser les membranes cellulaires. Pour cela, les nanovecteurs sont équipés de ligands, qui seront reconnus par des membranes tumorales, leur permettant d’entrer dans la cellule. Dans le cas du cancer de l’ovaire par exemple, on sait que les cellules cancéreuses possèdent sur leurs membranes un récepteur de l’acide folique. Lorsque ce récepteur reconnaît son ligand, le complexe récepteur-ligand va être internalisé par la cellule et permettre ensuite par un mécanisme complexe la libéralisation du ligand à l’intérieur de la cellule et ainsi délivrer le principe actif dans la cellule.

 

On utilise à nouveau les nanoparticules PEGylées mais dont les bras PEG ont été fonctionnalisés à leur extrémité par des amines couplées avec la fonction acide carboxylique de l’acide folique. On obtient alors des nanovecteurs  qui ont une double fonctionnalité : d’une part, repousser les protéines plasmatiques (opsonines) du fait des chaînes de PEG et rester dans la circulation vasculaire et, d’autre part, entrer et transférer leur contenu dans la cellule.

 

Malgré les grands progrès réalisés, un certain nombre de verrous technologiques demeurent. Tout d’abord, même si une fraction du médicament est correctement encapsulée, une grande part va s’absorber en surface et entraîner une libération immédiate et incontrôlée du principe actif. D’autre part, un autre inconvénient à résoudre est le taux de charge afin d’améliorer l’index thérapeutique des médicaments et éventuellement de contourner des phénomènes de résistance.  

Dans ce but, de nouvelles nanotechnologies ont été développées récemment pour pallier à ces verrous, c’est la squalénisation. Cette méthode permet une meilleure pénétration intracellulaire en rendant les molécules plus lipophiles par l'association avec un lipide, le squalène. En revanche, la squalénisation n'est actuellement qu'en phase de test chez des souris avec un anti-cancéreux : la gemcitabine.

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